Pourquoi les animaux sont-ils importants dans nos vies ?
Dans un monde en perpétuelle mutation, où la technologie prend une place grandissante et où la crise environnementale devient de plus en plus pressante, une question d’apparence simple mérite d’être posée : pourquoi les animaux sont-ils importants dans nos vies ? Pour y répondre, j’ai eu le privilège de m’entretenir avec Jonathan Balcombe, biologiste spécialisé dans le comportement animal, auteur à succès et fervent défenseur des droits des animaux.
Sa réponse, profondément personnelle et scientifique à la fois, offre une perspective inspirante sur notre relation au monde vivant.
Une fascination et une empathie naturelles dès l’enfance
Pour Jonathan Balcombe, l’amour des animaux est une histoire ancienne. Dès ses premiers souvenirs, il se souvient d’avoir été fasciné par la faune qui l’entourait : castors, serpents, scarabées – autant de créatures qui éveillaient en lui un sentiment d’émerveillement et, surtout, d’empathie. Il ne s’agissait pas simplement de curiosité scientifique, mais d’une capacité instinctive à reconnaître en l’animal un autre être sentient, dont la vie est aussi précieuse à ses propres yeux que la nôtre l’est à nous. Cette empathie précoce l’a accompagné tout au long de sa vie, et constitue aujourd’hui encore le socle de sa réflexion éthique et scientifique. Car reconnaître la valeur intrinsèque d’un animal, quel qu’il soit, c’est aussi reconnaître que notre propre humanité est intimement liée à la manière dont nous traitons les autres formes de vie.
Une carrière dédiée à la science et à la sensibilisation
Titulaire d’un doctorat en éthologie, Jonathan Balcombe a consacré plus de trente années à l’étude du comportement animal. Sa carrière l’a mené aussi bien dans les laboratoires que dans les milieux militants, et son engagement s’est progressivement transformé en une vocation littéraire. Depuis 2006, il a publié six ouvrages, dont plusieurs best-sellers tels que Pleasurable Kingdom et What a Fish Knows, qui explorent les vies intérieures des animaux avec une approche à la fois rigoureuse et accessible.
Son travail ne s’arrête pas aux publications. Il intervient régulièrement dans des émissions scientifiques diffusées par la BBC et la National Geographic Channel, et participe à des conférences à travers le monde. Il s’adresse aussi aux enfants, à travers notamment Jake and Ava: A Boy and a Fish, convaincu que les leaders de demain doivent dès aujourd’hui être sensibilisés à la beauté et à la valeur du vivant.
Réhabiliter l’image de la nature sauvage
Balcombe prépare actuellement un nouvel ouvrage portant sur les aspects positifs de la vie animale : la coopération, la vertu, la joie. À contre-courant des représentations traditionnelles de la nature comme un lieu de compétition brutale et de souffrance, il cherche à rétablir une image plus nuancée, plus juste. « La nature n’est pas seulement lutte et prédation, dit-il. Elle est aussi entraide, plaisir, solidarité. » Il invite à corriger notre biais culturel qui projette sur le règne animal une vision violente et cruelle, souvent pour mieux justifier notre propre domination. Selon lui, l’espèce la plus destructrice sur cette planète n’est autre que l’Homo sapiens. C’est donc à nous qu’il revient de faire preuve de vertu, et de réparer ce que nous avons abîmé.
L’Anthropocène : un tournant critique
Nous vivons aujourd’hui dans l’ère dite de l’Anthropocène, caractérisée par l’impact massif des activités humaines sur la planète. Perte de biodiversité, déforestation, pollution, changements climatiques : tous ces phénomènes mettent en péril les écosystèmes dont nous dépendons. Pour Balcombe, il est urgent de reconnaître notre responsabilité collective et d’agir en conséquence. Il rappelle que nous ne sommes qu’une espèce parmi des millions d’autres, intégrées dans
un vaste réseau d’interdépendance. Notre survie à long terme dépend d’une planète saine, fonctionnelle et diversifiée. Prendre soin des animaux, c’est donc aussi prendre soin de nous-mêmes.
Un choix de vie : végétarisme et véganisme
L’engagement de Jonathan Balcombe ne se limite pas à la recherche ou à l’écriture. Il se manifeste également dans ses choix personnels, notamment alimentaires. Élevé dans une culture omnivore, il devient végétarien en 1984, à l’âge de 25 ans, puis végétalien cinq ans plus tard. Ce choix, mûrement réfléchi, repose sur des considérations éthiques et écologiques. L’agriculture animale, explique-t-il, est l’industrie la plus violente que la planète ait connue. Elle inflige des souffrances innombrables à des milliards d’animaux chaque année, tout en contribuant largement aux émissions de gaz à effet de serre, à la déforestation et à la
pollution des eaux. Renoncer aux produits animaux, c’est pour lui une manière concrète et quotidienne d’agir pour un monde plus juste, plus respectueux et plus durable.
Une invitation à repenser notre rapport au vivant
Le message de Jonathan Balcombe est clair : nous avons tous un rôle à jouer. Qu’il s’agisse de notre régime alimentaire, de nos choix de consommation ou de notre manière d’éduquer les enfants, chaque action compte. Les animaux ne sont pas des ressources à exploiter, mais des cohabitants à respecter. En sensibilisant les jeunes générations, en partageant les découvertes scientifiques sur la vie intérieure des animaux, en défendant des choix de vie éthiques, Balcombe nous montre
la voie d’un avenir plus harmonieux. Il ne s’agit pas seulement de protéger les animaux, mais de rétablir un équilibre fondamental entre l’humanité et le reste du vivant.
Conclusion
Pourquoi les animaux sont-ils importants dans nos vies ? Parce qu’ils nous renvoient à notre propre humanité. Parce qu’ils partagent avec nous des émotions, des besoins, une volonté de vivre. Parce que, sans eux, le monde serait incomparablement plus pauvre – biologiquement, émotionnellement, moralement.
L’exemple de Jonathan Balcombe nous invite à regarder les animaux non plus comme des objets ou des ennemis, mais comme des partenaires dans la grande aventure de la vie. Et si, comme lui, nous faisions le choix de la bienveillance, de l’attention et de la responsabilité ?
Bibliographie
Balcombe, J. (2006). Pleasurable Kingdom: Animals and the Nature of Feeling Good.Macmillan.
Balcombe, J. (2010). Second Nature: The Inner Lives of Animals. Palgrave Macmillan.
Balcombe, J. (2011). The Exultant Ark: A Pictorial Tour of Animal Pleasure. University of California Press.
Balcombe, J. (2016). What a Fish Knows: The Inner Lives of Our Underwater Cousins. Scientific American / FSG.
Balcombe, J. (2021). Super Fly: The Unexpected Lives of the World’s Most Successful Insects. Penguin.
Balcombe, J. (2021). Jake and Ava: A Boy and a Fish. Gryphon Press.hanger notre regard sur le vivant. Et à comprendre que même les plus petits – et les plus détestés – peuvent être des héros de la biodiversité.